ACTUALITE – De l’heptachlore retrouvé dans des courgettes bio ?
Date de parution: 26/08/2024 – mise à jour le 11/09/2024
Autrice: Ariane Beaudelot (coordinatrice du pôle développement de filières chez Biowallonie)
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Le 22 août 2024, Delhaize a décidé, en concertation avec l’AFSCA, de retirer de la vente un lot de courgettes bio d’origine wallonne et de les rappeler auprès des consommateurs en raison d’une teneur trop élevée en résidus d’un produit phytopharmaceutique, l’heptachlore.
Deux semaines plus tard, c’est au tour de Aldi (07/09/2024) et Carrefour (09/09/2024) de rappeler des courgettes bio venant d’un autre agriculteur bio wallon. Et c’est à nouveau en raison de la détection d’heptachlore.
Qu’est-ce que l’heptachlore ?
L’heptachlore est un insecticide organochloré qui a été utilisé principalement contre les insectes du sol et les termites. L’heptachlore fait partie des polluants organiques persistants (POP), polluants majeurs à l’échelle mondiale, selon la Convention de Stockholm [1].
Les niveaux de risques varient d’un POP à l’autre, mais ils se caractérisent tous par les quatre propriétés suivantes :
- ils sont extrêmement toxiques ;
- ils persistent pendant des années, voire des dizaines d’années avant de se décomposer en substances moins dangereuses ;
- ils s’évaporent et se déplacent sur de longues distances dans l’eau et dans l’air ;
- ils s’accumulent dans les tissus graisseux.
La Communauté économique européenne (dont la Belgique faisait partie) interdit l’heptachlore dès 1978 dans la Directive 79/117/CEE du Conseil. [2]
Sa production a été volontairement arrêtée par l’unique producteur américain en 1987.
Du fait de leurs propriétés lipophiles et de leur persistance dans l’environnement, l’heptachlore et les composés apparentés présentent une bioaccumulation et une bioamplification tout au long de la chaîne alimentaire.
L’heptachlore est classé comme un cancérigène possible (Groupe 2B).
Si une trace d’heptachlore est retrouvée sur un produit alimentaire, celui-ci est alors impropre à la consommation, qu’il soit bio ou conventionnel.
Pourquoi en trouve-t-on encore aujourd’hui dans des légumes bio belges ?
Même si l’heptachlore est interdit depuis plus de 40 ans, il est très rémanent, et les cucurbitacées captent les traces d’heptachlore résiduelles et les concentrent durant leur croissance. Les courges, contrairement à d’autres légumes, les captent en raison de la composition particulière des substances relâchées par leurs racines (aussi appelées excrétions racinaires).
L’AFSCA et Certisys nous ont confirmé que cette information était connue du monde agronomique et de la communauté scientifique et donc particulièrement contrôlé. D’ailleurs, des rappels pour des courges, bio ET non bio contenant des pesticides (heptachlore ou d’autres pesticides persistants comme le chlordane) ont lieu régulièrement en Europe.
Même en étant en bio depuis de très nombreuses années, l’heptachlore, comme d’autres pesticides organiques persistants, peuvent encore se retrouver dans les sols.
Comment l’heptachlore a-t-il été décelé dans ce cas présent ?
L’heptachlore (comme tout autre résidu de pesticide) est détecté avec une prise d’échantillons (du sol, de la plante ou du produit) et une analyse en laboratoire qui sont demandées :
- Soit par l’organisme de contrôle bio du producteur (ou des autres maillons de la chaine : grossiste ou vendeur) [3];
- Soit par le producteur lui-même, par exemple sur demande de l’acheteur.
Dans le cas présent, l’AFSCA et l’organisme de contrôle nous ont confirmé que l’information venait des producteurs eux-mêmes grâce à un auto-contrôle de leurs produits demandé par leur acheteur. Ce sont les deux producteurs bio qui ont notifié directement la présence du pesticide auprès de leurs acheteurs, de l’AFSCA et de leur organisme de contrôle.
Les producteurs, en plus de respecter strictement la règlementation, trouvaient indispensable de prévenir les consommateurs et leur éviter l’ingestion de produits nocifs pour leur santé.
Les courgettes contaminées à l’heptachlore vont être envoyées dans un centre de biométhanisation, agréé pour dégrader ce type de molécule.
Pour conclure, il s’agit là d’une conséquence d’anciennes pratiques agricoles (datant de plusieurs générations avant les agriculteurs bio en question) qui n’est en rien liée au caractère bio du produit.
Cette actualité rappelle l’importance d’interdire au plus vite l’utilisation de polluants éternels dans l’agriculture et dans l’industrie car ceux-ci peuvent persister dans l’environnement et donc être néfastes pour la flore, la faune et l’homme plusieurs dizaines d’années après leur interdiction.
Plus d’infos sur les pesticides et le bio: lisez le guide pratique « Démystifier le bio »
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[1] La convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants est un accord international visant à interdire certains produits très polluants. La convention a été signée en 2001 et est entrée en vigueur en 2004. Plusieurs nouveaux amendements ont été signés depuis. 30 substances sont concernées par ce traité et 152 pays ont signé cette convention.
[2] Directive 79/117/CEE du Conseil, du 21 décembre 1978, concernant l’interdiction de mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant certaines substances actives.
[3] Les organismes de contrôle ont l’obligation de réaliser une prise d’échantillon chez 50% des opérateurs sous contrôle chaque année en Wallonie (dans l’Union européenne, la norme est de 5%).