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Serres multi-chapelles à la Ferme de Goyet : retour d’expérience

Serres multi-chapelles à la Ferme de Goyet : retour d’expérience

Le 17 mars 2025, nous étions à la Ferme de Goyet pour échanger autour des avantages et inconvénients des serres multi-chapelles. L’occasion aussi de découvrir le fonctionnement de cette ferme bio, implantée depuis treize ans à la campagne, entre production, magasin et offre de stages pédagogiques.


Présentation de la ferme

La Ferme de Goyet, c’est d’abord une histoire familiale portée aujourd’hui par Anne et Amaury. Après avoir développé le magasin à ses débuts, Anne a vu l’activité s’étoffer avec la construction d’un bâtiment agricole, puis l’arrivée d’Amaury il y a 7 ans, marquant aussi le passage en agriculture biologique.

Trois pôles structurent l’activité :

  1. La production maraîchère, sur environ 4 à 4,5 ha, avec 60 ares de tunnels classiques (8 tunnels de 60x1m) et 24 ares en serre multi-chapelle (60x40m).
  2. Le magasin à la ferme, ouvert quatre jours par semaine, qui écoule 60% de la production.
  3. La yourte pédagogique, qui accueille des enfants en stage grâce à une ASBL animée par la ferme.

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Côté équipe, ils sont environ 9 à 10 équivalents temps plein, répartis sur les différents volets de l’activité (production, magasin). Anne, Amaury et Émilie ont des rôles polyvalents au sein de la ferme, tandis que le reste de l’équipe se consacre soit à la production, soit au magasin. Au printemps et en été, les efforts se concentrent sur les cultures de plein champ, tandis qu’en hiver – surtout entre décembre et mars – l’activité s’oriente vers le nettoyage des poireaux, le forçage des chicons et la récolte de la mâche.Anne et Amaury ont progressivement recentré les cultures sur des légumes frais et les verdures. Plus de chou, ni de légume de conservation, à l’exception de quelques bottes de carottes, quelques caisses d’oignons pour juin-juillet, et un peu de pommes de terre primeurs. Autre choix stratégique : limiter l’astreinte manuelle grâce à de la petite mécanisation.

Environ 60 % de la production de la ferme est écoulée via le magasin à la ferme. Les 40% restants partent principalement via Paysans-Artisans et quelques petites épiceries locales. Mais ce ratio global varie selon les cultures. Par exemple, les haricots sont vendus exclusivement au magasin, 75% des tomates sont destinées au magasin, tandis que 70% des chicons sont écoulés à l’extérieur. Les chicons sont les seuls à ne pas être certifiés bio, car les racines proviennent d’un fournisseur historique conventionnel avec qui la ferme travaille depuis treize ans.

Les articles vendus dans le magasin sont majoritairement certifiés bio : environ 90% des fruits et légumes vendus sont bio. Certaines exceptions existent, notamment pour les pommes, poires et pommes de terre, disponibles en version bio et non bio, afin de proposer une gamme de prix plus accessible pour certains produits de base ; et c’est aussi le fruit de partenariats de longues dates avec certains producteurs locaux non bio. Le fromage, pour lequel le critère prioritaire est la provenance locale, même si tous les producteurs ne sont pas en bio.

Le choix de la serre multi-chapelle

Installée en avril 2022, la serre multi-chapelle (60 x 40 m) s’ajoute aux tunnels existants.  Une chapelle, c’est une unité de forme rectangulaire avec son propre toit, souvent en demi-cintre. Lorsqu’on relie plusieurs de ces structures les unes à côté des autres, sans séparation intérieure, cela forme une serre multi-chapelle. Cela donne une grande surface couverte continue, idéale pour la culture en grande quantité. A la Ferme de Goyet, il y a 4 chapelles mises les unes à côté des autres.

Le fournisseur retenu est CMF, un groupe français. D’autres options avaient été envisagées, comme SRK chez Filclair, JRC, ou encore Vermako, basé aux Pays-Bas. Concernant l’installation, l’ensemble de la structure a été monté par le fournisseur, à l’exception des systèmes d’évacuation. Le chantier, dont Amaury est satisfait, a duré environ un mois. Cela dit, entre le moment de la commande et l’installation finale, il faut compter entre 1 et 2 ans.

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Les avantages
  • Grand espace : on peut cultiver vraiment en grande quantité !
  • Autre avantage sous-jacent : plus une serre possède un grand volume, plus elle permet de cultiver une grande diversité de légumes, ce qui réduit les risques de propagation des ravageurs et de maladies. Toutefois, cette diversité implique aussi une gestion plus complexe des périodes de transition entre les saisons. Par exemple, lorsqu’on souhaite démarrer des cultures d’hiver dès l’automne, alors que les légumes d’été sont encore en place, il devient délicat d’installer des conditions favorables aux cultures hivernales, sans nuire aux besoins très différents des cultures estivales.
  • Un grand volume d’air permet une plus grande inertie et donc, par exemple, moins de risque de gelée nocturne.
  • En outre, un grand espace permet d’allonger les rotations et donc de faire des rotations sous tunnels plus longues et diversifiées (ce qui est souvent compliqué). Enfin, avoir un grand volume d’air est synonyme de plus grande inertie (et donc moins de risque de gelée nocturne).
  • Hauteur de culture : elle permet de faire grimper les légumes plus haut (comme les concombres), ce qui optimise l’espace vertical. D’ailleurs, Amaury trouve qu’une hauteur sous culture de 3,5m est bien assez (même si, plus c’est haut, plus il y a d’air et mieux c’est!)
  • Confort de travail amélioré : l’espace est suffisamment grand que pour pouvoir travailler avec un tracteur à l’intérieur.
  • Pas « d’effet bordure » : il y a moins de bordures par rapport aux nombres de planches – elles se retrouvent juste aux extrémités de la multi-chapelles. Il y a donc moins de perte de rendement. Souvent, en bord de serre, les cultures sont moins belles (car, par exemple, elles souffrent d’excès d’eau) et sont plus difficiles à entretenir (pas évident de maîtriser les adventices à ces endroits).
  • Pas de coups de soleil : dans ses autres serres, Amaury constatait des coups de soleil sur les plants situés en bordure, notamment près des bâches externes. Mais depuis qu’il utilise cette serre, il n’en a plus observé.
  • Automatisation de la ventilation : en cas de vent ou de tempête, la toiture de la serre et ses côtés latéraux s’ouvrent ou se ferment automatiquement selon les paramètres choisis.
  • Crochets et bâtons pour la culture sur fil : pas besoin d’escabelle !
  • Rendement ? Les deux premières années, les tomates étaient superbes, mais il est difficile de dire si cela tenait à la qualité de la serre ou au fait que le sol, en rotation, n’avait accueilli qu’une fois des tomates.

 

Les inconvénients
  • Coût des bâches et du remplacement : la durée de vie est similaire aux tunnels (8-10 ans), mais le remplacement est plus cher et requerra l’intervention de main-d’œuvre du fournisseur. Par ailleurs, en ce qui concerne l’entretien, il est possible de marcher sur les gouttières et de nettoyer les bâches.
  • Plus d’irrigation nécessaire : contrairement aux tunnels classiques où l’effet de bordure permet une remontée d’humidité par capillarité grâce aux pluies, les serres multi-chapelles limitent l’irrigation des bords, ce qui augmente les besoins en irrigation durant cette période.

 

« Globalement, je n’ai pas de regret ! » nous dit Amaury.

Les choix d’Amaury
  • Initialement, l’idée était de remplacer les anciens tunnels devenus vétustes. Finalement, les deux systèmes coexistent, offrant plus de souplesse.
  • Plastique diffusant : Ce type de bâche répartit la lumière de manière homogène, sans créer trop d’ombre, ce qui favorise le bon développement des légumes fruits comme les tomates ou les poivrons. En revanche, cette solution est moins idéale pour les verdures.
  • Simple ou double paroi ? Amaury a longuement hésité avant de trancher, mais il a finalement renoncé à l’option double paroi, qui aurait ajouté environ 10 000 € au budget. Une seconde bâche alourdit la structure, ce qui sollicite davantage le moteur d’ouverture. En cas de déchirure, tout l’intérêt du double paroi est vain, et le système peut mécaniquement se bloquer. Par ailleurs, la double paroi rend la serre plus opaque, ce qui nuit au bon développement des verdures. Pour les cultures précoces, une paroi reste préférable.
  • Veiller et maîtriser l’aération. Le réflexe initial consistait à maintenir la serre fermée afin de conserver la chaleur, mais cela s’est rapidement avéré contre-productif. Une aération régulière est essentielle pour limiter l’humidité et le développement de pathogènes (notamment le botrytis sur les tomates). Au départ, Amaury ne voulait pas l’option de gestion hygrométrique, mais avec le recul, il envisage désormais de l’ajouter au système de régulation.
  • Récupération de l’eau de pluie. L’eau de pluie est récupérée via les gouttières des serres et stockée dans une citerne d’environ 40 000 litres, utilisée principalement pour le lavage des poireaux. Pour irriguer les légumes, Amaury prélève de l’eau dans le cours d’eau situé à proximité de la ferme, à l’aide d’une pompe.
  • L’arrosage s’effectue principalement par aspersion, sauf pour les légumes d’été qui sont arrosés au goutte-à-goutte, 2 à 3 fois par semaine, durant 30 minutes à 1 heure selon les besoins.
  • Une partie de la fertilisation est effectuée par une fertirrigation : le fertilisant est injecté directement dans le système via Dosatron. Le reste de la fertilisation se fait via du fumier de bovin composté.
  • Toutes les cultures se font sur plastiques bio dégradable, ce qui permet de réduire fortement le désherbage. Le seul inconvénient est qu’il se décompose plus lentement sous tunnel, mais cela ne pose pas de problème à long terme.

 

Quel investissement ?

Un élément déclencheur à la décision était la possibilité de bénéficier d’une aide financière wallonne qui couvrait environ 35% de l’investissement.

Conseil : au-delà du coût de la serre elle-même, il est important d’anticiper les frais annexes liés au projet : la demande de permis via un architecte (environ 1 500 €), les travaux d’évacuation et l’installation des systèmes d’irrigation (environ 10 000 €), ainsi que divers imprévus techniques ou logistiques. Au total, il faut compter un budget global compris entre 100 000 et 120 000 € (attention, devis final de janvier 2022 avant les inflations importantes de 2022 et 2023).

Futur projet

Un nouveau projet est actuellement en cours : la construction d’une annexe à l’arrière du magasin. L’objectif est de mieux délimiter les espaces fonctionnels, en séparant clairement le magasin (qui sera agrandi pour diversifier les gammes de produits), la zone de stockage et l’atelier dédié au nettoyage des légumes ainsi qu’à la préparation des poireaux et des chicons. Le bâtiment sera couvert, mieux isolé pour améliorer le confort des travailleurs en hiver, et intégrera notamment la laveuse de poireaux.

Plus d’infos ?

Adresse de la ferme : Rue des Peupliers, 5190 Jemeppe-sur-Sambre

Magasin ouvert de 10h à 18h du mercredi au vendredi, et de 9h à 17h le samedi.

https://www.facebook.com/lafermedegoyet/

http://www.lafermedegoyet.be/

Contact : Amaury et Anne, fermedegoyet@gmail.com, 0478 37 09 22


Autrice : Audrey Warny