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Quelle est la plus-value de l’agriculture biologique au niveau de la santé ?

Quelle est la plus-value de l’agriculture biologique au niveau de la santé ?
  1. Introduction

De nombreux facteurs influencent la santé d’une personne : l’âge, le sexe, le patrimoine génétique, le niveau d’éducation, le niveau de vie, le style de vie, le travail, le stress mais aussi l’alimentation.

Ce lien étroit entre la santé et l’alimentation et plus particulièrement entre les aliments produits par l’agriculture biologique et notre santé est un thème d’intérêt pour Biowallonie. Ci-dessous, nous vous proposons une compilation des savoirs actuels.

  1. Contexte

La demande en produit biologique n’a cessé d’augmenter ces dernières années (en Belgique, +8% en 2013). Les motivations des consommateurs envers ce type de produit sont multiples. En effet, ces produits sont communément associés à un meilleur respect de l’environnement, de la santé, du bien-être animal ainsi qu’à un meilleur goût comparés à ceux produits en conventionnel. Pour rappel, les principes qui guident l’agriculture biologique au niveau international (IFOAM) sont : le principe de santé, le principe d’écologie, le principe d’équité et le principe de précaution. La santé est dès lors le premier principe de l’agriculture biologique ce qui devrait aller à la rencontre des attentes des consommateurs.

Selon ce premier principe, la santé est considérée comme la globalité et l’intégrité des systèmes, c’est-à-dire que la santé des individus et des communautés ne peut être séparée de la santé des écosystèmes. En d’autres termes, cela signifie qu’un sol sain produit une culture saine qui assurera à son tour la santé des animaux et de la population. Par conséquent, l’agriculture biologique interdit l’utilisation de produits issus de la chimie (engrais, pesticides, additifs, …) et recherche des alternatives pour minimiser l’utilisation de biopesticides, de produits vétérinaires et d’additifs alimentaires qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé dans sa globalité.

Ici, nous allons nous focaliser sur la santé du consommateur qui attend de l’agriculture biologique de produire des aliments de hautes qualités contenant, du point de vue nutritionnel, tous les constituants bénéfiques et qui soient exempts ou qui limitent au maximum les substances indésirables. Cette alimentation doit dès lors contribuer à la prévention des maladies et au bien-être.

Ces dernières années, la science s’est intéressée de près aux qualités nutritionnelles et sanitaires des produits biologiques afin de vérifier si les attentes des consommateurs étaient rencontrées. Et le débat est en pleine effervescence. Alors que plusieurs études concluent qu’il n’est pas possible de mettre en évidence des différences au niveau nutritionnel entre les produits bio et non bio, d’autres études montrent des différences et concluent à une plus-value des produits d’origine biologique. Il importe de souligner que les résultats d’études isolées ne peuvent pas être généralisés, car la qualité nutritionnelle d’un produit dépend d’une multitude de paramètres tels que le mode de culture, le choix de la variété, le terroir, le climat et les conditions de récolte. C’est pourquoi, des études faisant le bilan des recherches disponibles dans ce domaine sont apparues dans plusieurs pays. Néanmoins, il est à nouveau difficile de clore le débat car les résultats de ces études sont contradictoires.

Claude Aubert, pionnier de l’agriculture biologique en France, résumait le débat en 2007 dans la revue Alter Agri de la manière suivante: « On n’a pas le droit de dire que les produits bio sont meilleurs pour la santé que les autres même si on a de très bonnes raisons d’en être convaincus d’abord, parce que, selon les critères admis en matière de recherche scientifique, ce n’est pas démontré de manière indiscutable. Et ensuite en raison de la complexité des relations entre alimentation et santé et du petit nombre d’études consacrées à ce thème».

En écrivant cette phrase, Claude Aubert soulève deux points fondamentaux du débat. Le premier est de savoir si l’on doit attendre des preuves scientifiques irréfutables pour choisir son mode d’alimentation. Car, comme il l’ajoute : « A défaut de véritable preuve, si nous avons un faisceau de présomptions suffisamment solide, attendre la preuve absolue serait irresponsable ». Le second est de se rendre compte de la complexité technique d’obtenir cette fameuse preuve absolue. Tout d’abord, les maladies ont généralement de multiples causes qui sont interdépendantes comme la génétique, le mode de vie (dont l’alimentation), le sexe, l’âge, la condition physique, la situation socio-économique…Dès lors, mesurer le bénéfice net pour la santé de consommer des aliments bio exigerait des études de très grandes envergures et très coûteuses afin de pallier l’immense variabilité des individus et de leur environnement.

Depuis 2007, de plus en plus d’études sont parvenues néanmoins à démontrer scientifiquement la plus-value des produits biologiques, plus-value liée d’une part à des teneurs plus élevées en éléments bénéfiques et d’autre part à une moindre présence de substances indésirables. C’est le lien entre cette plus-value et la santé qui n’est toujours pas clairement démontré. D’ailleurs, Carlo Leifert qui a piloté beaucoup de ces études à l’université de Newcastle conclut : « Il y a maintenant un besoin urgent de réaliser des études diététiques spécialement conçues pour identifier et quantifier les impacts sur la santé d’une transition à une alimentation biologique »

Ci-dessous, nous compilons les résultats des diverses recherches sur la plus-value des produits d’origine biologique par rapport à leurs homologues produits en conventionnel, en distinguant bien les constituants bénéfiques et les substances indésirables.

  1. Les constituants bénéfiques

Le tableau ci-dessous reprend par type de produit agricole une synthèse des comparaisons entre les produits bio et conventionnels au niveau de leur teneur en constituants bénéfiques pour la santé. Le symbole « + » signifie une teneur plus importante de ce constituant dans un produits bio par rapport à son homologue conventionnel, et inversement pour le symbole «-». De plus, les techniques agronomiques auxquelles on attribue les différences observées sont également présentées.

De manière générale, les éléments nutritifs sont contenus dans la matière sèche des aliments, or plusieurs études démontrent que les produits bio ont une teneur en matière sèche plus élevée. D’ailleurs à titre purement informatif, le prix perçu comme plus élevé pour les produits bio peut dès lors s’avérer parfois moins élevé si on le rapporte à la matière sèche achetée. En effet, acheter bio s’apparente à acheter moins d’eau.

Tab1

Fig1

Figure 1: Teneur en acide ascorbique (Vitamine C) des pommes de terre, exemple d’un essai de longue durée comparant une fertilisation organique (bio) et une fertilisation minérale (conv.); moyenne de 2 ans (Kolbe et al, 1995 dans le rapport du FIBL).

fig2  Figure 2: Teneur relative en acide gras oméga-3 du lait bio et du lait conventionnel (Alter Agri n°83)

  1. Les constituants indésirables

Les produits alimentaires regorgent souvent de constituants néfastes pour la santé comme des résidus de pesticides, des nitrates, des métaux lourds, des mycotoxines, des résidus de médicaments vétérinaires et des germes pathogènes et parasites.

Dans son cahier des charges, l’agriculture biologique fait prévaloir le principe de précaution en interdisant l’utilisation, dans la production agricole jusqu’ à la transformation, de substances synthétiques souvent rapportées comme néfastes pour la santé. De cette manière, les risques potentiels relatifs à la sécurité de notre alimentation sont fortement réduits.

Ci-dessous, un tableau compilant des différences observées entre les produits bio et conventionnels au niveau des substances indésirables est présenté. Les symboles « + » et «-» ont la même signification que dans le tableau précédent. A nouveau, les techniques agronomiques auxquelles on peut lier ces différences sont exposées.Tab2

 

 

Fig3Figure 3: Teneur moyenne en résidus de pesticides d’aliments biologiques et conventionnels (CVUA Stuttgart, 2005 dans le rapport du FIBL)

  1. Bénéfices pour la santé

De ce qui précède, les produits biologiques montrent une qualité nutritionnelle supérieure à ceux produits en conventionnel, d’une part par une teneur souvent plus importante en éléments bénéfiques et d’autre part, par une teneur plus faible en constituants indésirables.

L’impact sur la santé d’une teneur plus élevée en éléments bénéfiques est difficile à quantifier car il faut tenir compte de la biodisponibilité de ces éléments. La biodisponibilité représente la proportion d’une substance qui va effectivement être utilisée dans l’organisme par rapport à la quantité absorbée. Or celle-ci est mal connue et variable selon les sources. Parmi les éléments bénéfiques rapportés comme plus abondants dans les produits bio, les métabolites secondaires des végétaux comme les polyphénols sont associés à une réduction des risques de maladies cardiovasculaires, de maladies neurodégénératives et de certains cancers. Quant aux acides gras polyinsaturés, ils contribuent à prévenir les maladies cardio-vasculaires et le cancer. Ils ont de plus une action anti-inflammatoire et antiallergique.

Quant à l’impact sur la santé des résidus de pesticides présents sur nos aliments, il ne fait à nouveau pas l’unanimité. Alors qu’il a été clairement démontré que les personnes utilisant des pesticides (agriculteurs et leur famille) ont un risque accru de présenter diverses pathologies (cancer, trouble de la reproduction, maladie de parkinson, problème respiratoires…), seulement quelques études s’intéressent au lien entre l’exposition non professionnelle aux pesticides et diverses pathologies ou anomalies physiologiques. Une partie de ces études est listée dans le dossier « Qualité des produits bio » de la revue Alter Agri n°83. Par contre, aucune étude ne semble avoir été menée sur le lien entre l’exposition aux pesticides via l’alimentation et diverses pathologies. En effet, l’exposition aux pesticides de l’environnement est multiple : ingestion (alimentation), inhalation et absorption. Néanmoins, l’alimentation semble être la voie principale d’exposition aux pesticides comme le démontre deux études comparant la teneur en pesticides de l’urine d’enfants selon qu’ils mangent successivement bio ou conventionnel. Toutes les deux concluent que le passage d’une alimentation conventionnelle à une alimentation biologique réduit considérablement la quantité de pesticides présente dans l’urine (Figure 4). Or les pesticides ont été associés à des risques accrus de cancers (leucémie infantile, cancer du sein et cancer de la prostate), de perturbations du système hormonal (problème de fertilité et de reproduction, diabète), de perturbation du système nerveux (troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité, détérioration des capacités intellectuelles, maladie de Parkinson) et de perturbations du système immunitaire (allergies alimentaires…).

Fig4

 Figure 4: métabolites du malathion (insecticide organophosphoré) dans l’urine d’enfants de 3 à 11 ans selon le type d’aliments consommés (conventionnels ou biologiques)

En conclusion, même si actuellement quasi aucunes études ne démontrent clairement le bénéfice pour la santé de consommer des produits biologiques plutôt que ceux produits par l’agriculture conventionnelle, nous pouvons affirmer, sans la moindre hésitation, que la filière bio ne peut que contribuer à nous maintenir en bonne santé. D’une part, cette filière permet la production d’aliments plus riches au niveau nutritionnel qui apportent notamment davantage de métabolites secondaires et d’acides gras polyinsaturés. Ces substances sont connues pour protéger contre les troubles cardiovasculaires et les cancers. D’autre part, il n’y a pas de doute sur le fait que l’agriculture bio nous met davantage à l’abri des substances indésirables et néfastes pour la santé par rapport à son homologue conventionnelle. Parmi ces substances indésirables, citons les pesticides dont l’impact négatif sur la santé humaine est démontré par de plus en plus d’études.

[1]Les metabolites secondaires sont des substances secrétées par les plantes qui peuvent couvrir diverses fonctions : anti-oxydantes, immunostimulantes, anti-inflammatoires, antibactériennes, antifongiques, antimutagènes et anticarcinogènes. Leur présence dans les aliments est très intéressante pour la santé humaine. Certains métabolites sont présents chez toutes les plantes terrestres et d’autre sont spécifiques à certaines familles. Par exemple, les glucosinolates sont spécifiques à la famille des crucifères, ils sont bénéfiques pour la santé jusqu’à une certaine dose au-delà de laquelle, ils deviennent toxiques.

[2] Les oméga-3 et oméga-6 sont des acides gras polyinsaturés essentiels, cela signifie que l’organisme ne peut pas les synthétiser par lui-même et qu’ils doivent impérativement être apportés par l’alimentation. Ces acides gras polyinsaturés sont bénéfiques pour la santé grâce à leur action anti-inflammatoire et antiallergique. Cependant, nos habitudes alimentaires font que notre consommation d’oméga-6 se situe au-delà des recommandations, mais celle d’oméga-3 est bien en deçà des recommandations. Dès lors, on montre que le rapport oméga-3/oméga-6 est trop faible dans notre alimentation.

[3] Les β-carotènes sont des précurseurs de la vitamine A qui joue un rôle dans la vision, la croissance des os, la reproduction et dans le système immunitaire.

[4] Les métaux lourds sont présents naturellement dans l’environnement et la plupart se retrouve dans notre alimentation suite à la contamination des sols par des apports d’origine anthropiques. Certains sont essentiels au bon fonctionnement de l’organisme tandis que d’autres n’ont aucune fonction biologique et sont toxiques même en très faibles quantités comme le plomb, le cadmium et le mercure. Les métaux lourds présentent tous un risque pour la santé lorsqu’ils sont consommés en excès. Parmi les plus toxiques, on retrouve le Cadmium (Cd). La commission européenne a d’ailleurs fixé pour le Cd une limite maximale de résidus dans les aliments. Le Cd s’accumule dans le corps (surtout dans le foie et les reins) pouvant causer des troubles rénaux. Il est également rapporté comme cancérigène. D’où la nécessité de limiter au maximum la teneur en Cd de notre alimentation. Si la contamination des aliments par les métaux lourds peut être indépendante du mode de production, l’étude de Baranski et al. (2014) démontre que le mode de production biologique permet de réduire les apports en Cd des aliments.

[5] Les pesticides sont indubitablement associés à un risque accru de diverses maladies (cancer, maladie de Parkinson, trouble de la reproduction, trouble du système nerveux, problème respiratoire…) pour les personnes les manipulant. Aujourd’hui, des spécialistes de grande renommée critiquent vivement l’approche toxicologique utilisée pour définir la limite maximale de résidus (LMR) de pesticides dans l’alimentation, LMR sensée protéger les consommateurs. D’une part, cette approche ne tient compte que de la substance active du pesticide et non de sa formulation générale qui peut compter des adjuvants toxiques.  D’autre part, les effets multiplicateurs liés aux cocktails de produits chimiques présents dans notre environnement ne sont pas pris en compte. Enfin, la LMR est calculée à partir de la dose sans effet observable en cette substance active, c’est-à-dire la dose jugée comme sans effet sur la santé. Cette dernière est elle-même déterminée à partir d’expériences de 90 jours sur des animaux. Cette durée est loin de couvrir la durée de vie de ces animaux et elle ne tient dès lors pas compte de la toxicité chronique, sur le long terme, des substances actives.

[6] Les mycotoxines sont des métabolites secondaires sécrétés par des moisissures appartenant principalement aux genres Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Certaines mycotoxines sont cancérigènes et mutagènes alors que d’autres peuvent être dommageables pour le foie, les reins ou le système nerveux. De nombreuses études démontrent que c’est un mythe de penser que le risque de mycotoxine augmente sans pulvérisation de fongicides sur la culture de céréales.

[7] Les nitrates posent des problèmes au niveau de la santé essentiellement à cause de leur transformation possible en nitrites très réactifs. Les nitrites sont impliqués dans la synthèse de nitrosamines associés à un risque accru de cancer et dans la synthèse de méthémoglobinémie, en particulier chez les nourrissons de moins de 6 mois (syndrome du bébé bleu).

Référence:

Presse:

Qualité des produits bio, Alter Agri n°83, ITAB, mai-juin 2007.

Rapport :

AFSSA. Rapport Evaluation nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique. AFSSA, 2003, 164 p. www.anses.fr

FSA. Comparison of composition (nutrients and other substances) of organically and conventionally produced foodstuffs : a systematic review of available literature. FSA, 2009, 31p et annexes. www.food.gov.uk

FIBL, Qualité et sécurité des produits bio, dossier FIBL n°4, mai 2006. (1,2,5,7)

QLIF- Subproject 2 : Effects of production methods: www.qlif.org(1,2,4,5,6,7,8)

Articles scientifiques :

Palupi E et al. Comparison of nutritional quality between conventional and organic dairy products. J. Sci. Food Agric. 2012(2,3)

Baranski et al., Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crop: a systematic literature review and meta-analyses. British Journal of Nutrition, 2014. (1,5,6,7)

Brandt K. & Mölgaard J.P. Agroecosystem Management and Nutritional quality of Plant Food: The case of organic fruits and vegetables. Critical Reviews in Plant Sciences, 2011. (1,4,5 7)

Bernhoft A., Clasen P., Kristoffersen A, Torp M., Less Fusarium infestation and mycotoxin contamination in organic than in conventional cereals. Food Additives & Contaminants (27), 2010. (6)